Kamela est inquiète pour son fils. Depuis l'explosion survenue au port de Beyrouth, le 4 août 2020, il a des difficultés à parler, et ne parvient plus à trouver le sommeil la nuit. Âgé de 23 ans, Mohammad souffrait déjà d'un handicap, qui s'est aggravé ce jour-là, alors qu'il se trouvait à quelques centaines de mètres du port. «Ses oreilles ont été endommagées. Maintenant, il n'entend plus, et reste à la maison. Il est traumatisé», raconte sa mère. Il y a un an, cette habitante de la Karantina trouvait tout juste le temps de faire sortir ses cinq enfants de leur appartement, avant que l'immeuble ne s'effondre. Si ce dernier a pu être reconstruit six mois plus tard, il est des blessures qui ne guérissent pas –surtout lorsque l'argent fait défaut pour les traiter.
Les traces laissées par l'explosion ne sont pas seulement physiques, elles sont aussi psychiques. «Le 4 août, il y a eu une effraction sidérante chez tous les Beyrouthins. Cette effraction a mis chacun face à sa propre mortalité: on a réalisé qu'à n'importe quel moment, n'importe où, on pouvait mourir. Ça a été très dur pour beaucoup de jeunes de faire face à cela», décrit Karine Nassar, psychologue clinicienne et psychothérapeute au Centre médical Clémenceau de Beyrouth. Après l'explosion, elle a reçu dans son cabinet énormément de patients présentant des symptômes anxiogènes de très haut niveau, suivis de dépressions sévères.